Le temps du changement. Migrations transnationales et croisements culturels dans la danse du XIXe siècle

date limite: 
dates:  -
lieu:  Salzbourg

Colloque international organisé par AIRDanza (Associazione Italiana per la Ricerca sulla Danza), L’aCD (association des Chercheurs en Danse) et le Département de Musicologie et d’Études sur la Danse de l’Université de Salzbourg (Abteilung Musik- und Tanzwissenschaft – Universität Salzburg)

L’étude des phénomènes de mobilité et de migration des artistes de la danse a suscité ces dernières décennies un grand intérêt dans les différents champs des sciences humaines. Elle a conduit en outre à reconsidérer certaines évolutions historiques, ainsi que les relations des sociétés européennes entre elles. La danse du XIXe siècle se trouve en effet structurée par des contacts, d’ordre transculturel et interculturel, reliant les différents centres d’activité chorégraphique européens. Ces rapports, tout à la fois humains, artistiques, politiques, économiques et sociaux, ont pu s’établir grâce à un vaste réseau réunissant des professionnels du monde du théâtre – musiciens, chorégraphes, imprésarios, scénographes, etc. –, engagés dans le spectacle et amenés à se déplacer continuellement. Ces professionnels ont de fait contribué à mettre en place une véritable « industrie du ballet ». Les théâtres, dans ce cadre, ont joué un rôle déterminant, que ce soit par leurs politiques artistiques ou par les académies et les écoles privées qui leur étaient associées.

Les scènes théâtrales ont constitué un point de départ – ou un point de cristallisation – dans les carrières européennes des artistes. Selon la doxa historiographique, les techniques qui s’y sont développées – et les esthétiques de la danse qui en ont découlé – ont permis d’établir des « écoles nationales », lesquelles ont exercé une influence économique et artistique sur le spectacle et les modes de gestion des grandes institutions théâtrales européennes. Les dynamiques professionnelles, d’une étonnante complexité, font cependant que l’idée de « nation » – au sens où nous l’entendons aujourd’hui – ne permet pas d’appréhender complètement les nuances, ni la porosité, dans les pratiques de la danse, alors même que la perméabilité des pratiques était très vive à époque.

Dans l’Italie du XIXe siècle, on utilisait indifféremment les termes de « ville » et de « royaume » pour exprimer une appartenance (c’était aussi le cas pour les théâtres parisiens, identifiés à l’étranger, par métonymie, à ceux de la France entière). Des termes tels que « population » ou « territoire » ont in fine servi à évoquer, à l’intérieur du caractère exclusivement « italien », des artistes pourtant formés dans différents théâtres de la péninsule italienne. De même, la fusion de l’ensemble des artistes germanophones – qui pouvaient résider dans des « lieux » aussi différents que Vienne, Berlin et Stuttgart – dans un « idiome » unique apparaît comme un phénomène tout à fait singulier.

Les sources du passé étant elles-mêmes déjà complexes à appréhender, il apparaît d’autant plus difficile pour l’historiographie contemporaine d’en saisir toutes les nuances. Dès lors, celle-ci doit faire face à la persistance de certains paradigmes et à la tendance au réductionnisme. L’histoire de la danse a en effet souvent été écrite à la demande des personnels de direction afin de conférer aux théâtres dont ceux-ci étaient en charge une identité historique en conformité avec leur passé institutionnel. Ce phénomène a ainsi conduit les chercheurs, dès le XIXe siècle, à organiser les sources et à construire le discours historiographique à partir d’un seul point d’observation, alors que la logique « multidirectionnelle » des pratiques de la danse – et la vitalité même de ces pratiques – implique d'adopter un regard « multifocal ».

Par conséquent, il importe d’éclairer l’étude et l’analyse des réseaux artistiques et des pratiques chorégraphiques du XIXe siècle par la prise en compte des systèmes politiques et du contexte socio-culturel. Dans cette perspective, il apparaît tout aussi nécessaire d’adopter, dans les recherches sur la danse, une approche transculturelle, qui s’attache au dialogue et aux influences réciproques que les cultures étrangères ont pu exercer sur les artistes – célèbres ou non – et les divers acteurs du milieu chorégraphique et musical.

Parmi les contributions récentes ayant abordé ces thématiques et ainsi permis de renouveler de manière significative l’historiographie de la danse du XIXe siècle, on peut mentionner le colloque international de 2017, Danza e ballo a Napoli : un dialogo con l’Europa (1806-1861), organisé par l’Associazione Italiana per la Ricerca sulla Danza (AIRDanza) et le Centro di Musica antica Fondazione Pietà de’ Turchini de Naples, en partenariat avec plusieurs institutions parthénopéennes. Ce colloque a constitué une première étape dans le travail de réévaluation de l’histoire de la danse européenne entre 1806 et 1861. Il a par ailleurs apporté un éclairage inédit sur de grands noms, tels ceux de la danseuse Fanny Cerrito, des chorégraphes Salvatore Viganò, Armand Vestris, Louis Henry, et de bien d’autres personnalités de la danse du XIXe siècle. L’intérêt pour la construction d’un dialogue transnational, quoique élargi à d'autres périodes de l’histoire, était aussi au cœur du dernier Atelier de la danse Traversées : carrières, genre, circulations, organisé à l’occasion du Festival de danse de Cannes (2017).

Le colloque international qui se tiendra à Salzbourg du 28 au 30 novembre 2019 s’inscrit donc dans le prolongement de ces recherches. Il s’agit d’un projet de coopération entre AIRDanza (Associazione Italiana per la Ricerca sulla Danza), l’aCD (association des Chercheurs en Danse) et le Département de Musicologie et d’Histoire de la Danse de l’université de Salzbourg (Abteilung Musik- und Tanzwissenschaft – Universität Salzburg).

Le colloque se propose de mettre l’accent, au travers d’une approche rigoureuse, analytique et transdisciplinaire, sur le phénomène de mobilité des artistes chorégraphiques issus des théâtres européens au XIXe siècle. Dans cette perspective, il est important de prendre en considération la dimension socio-politique de la danse (pensons par exemple aux mouvements d’unification nationale en Italie et en Allemagne et ceux relatifs à l’impérialisme français) et de mettre en lumière l’influence que celle-ci a pu avoir dans les diverses évolutions artistiques et culturelles. Parmi les nombreuses pistes de recherche à explorer, on pourra notamment s’intéresser à la vie chorégraphique en Italie, en France et en Autriche, en tenant compte toutefois du contexte d’échanges triangulaire établi entre ces centres majeurs de la culture du XIXe siècle que sont Vienne, Paris, Milan, Venise, Florence et Naples. Dans cette configuration, Vienne joue un rôle crucial, du fait de sa position stratégique au centre de l’Europe et son réseau attractif de théâtres, susceptibles à la fois d’offrir des opportunités aux danseurs et aux chorégraphes européens et de favoriser des engagements à court et moyen terme pour les artistes de passage. Il serait également souhaitable d’évoquer les relations transnationales en adoptant, sur le plan méthodologique, la perspective de l’étude de cas.

Le colloque voudrait ainsi inaugurer un projet d’échange, à la fois transdisciplinaire et international, entre chercheurs. Il s’agirait de créer une mise en commun des recherches, appuyée sur un dialogue autour des résultats présents et parallèlement porteur de perspectives nouvelles. La découverte de sources inédites a récemment permis de mettre au jour des réalités historiques soit négligées, soit mythifiées par une historiographie qui n’a pas forcément rendu compte des parcours d’artistes et des développements des pratiques chorégraphiques dans des contextes différents. Le colloque international de Salzbourg vise à ce titre à discuter certains des lieux communs qui émaillent l’historiographie de la danse à partir d’une remise en question des sources sur lesquelles celle-ci s’appuie.

Les thématiques suivantes pourront être abordées au travers des communications :

(1) Biographies transnationales des artistes de la danse

Les contributions pourront porter sur l’activité de figures de la danse déjà connues, comme par exemple celle du chorégraphe Paul Taglioni en Allemagne ou des autres membres de la famille Taglioni qui ont pu se distinguer dans les grands théâtres européens. Des contributions portant sur des artistes n’appartenant pas à l’historiographie de la danse – car mis de côté jusqu’à présent par la recherche – seront toutefois les bienvenues. D’autres pistes peuvent être envisagées, comme par exemple le statut artistique et social des danseurs, que l’on pourra éventuellement comparer avec celui des musiciens, des chanteurs ou des acteurs. Le but serait ainsi d’établir des typologies à partir des profils d’artistes et d’identifier les mécanismes et les stratégies qui fondent les carrières, ainsi que les modèles de réception.

(2) Réseaux artistiques et circulation

La mobilité des artistes du XIXe siècle se construit grâce à des réseaux professionnels, établis, régulés et développés par des professionnels du monde théâtral. Domenico Barbaja s’impose à cet égard comme un personnage-clef. Il met en effet en place, en tant qu’impresario des théâtres de Naples, de Milan et de Vienne, un vaste réseau à travers l’Europe – de Saint-Pétersbourg à Lisbonne –, à même de gérer les carrières des plus grands artistes de la première moitié du XIXe siècle (cela concerne des danseurs, mais aussi des compositeurs célèbres, comme Rossini, Bellini et Donizetti).

(3) Techniques et styles de danse

Il s’agit, en l’espèce, de questionner les éléments techniques et stylistiques appréhendés jusqu’ici par l’historiographie comme emblématiques de telle ou telle école ou de telle ou telle institution théâtrale. Seront particulièrement appréciées les communications qui proposeront d’éclairer la dimension artisanale de l’art chorégraphique et l’adaptation d’éléments techniques et stylistiques à la pratique de la danse. Cette mobilité, relative à la technique et à l’interprétation, pourra également être mise en relation avec les transformations politiques et sociales, ainsi qu’avec des questions de genre, lesquelles ont exercé une influence dans le rapport au corps et au mouvement au sens large. L’analyse des conditions mises en place par l’institution relatives à la pédagogie et à l’organisation des pratiques scéniques et du hors-scène pourra constituer un autre axe de recherche. Il s’agirait ainsi de mieux comprendre les processus de transmission de la danse et la manière dont l’enseignement – qu’il soit public ou privé – se cristallise autour de normes, elles-mêmes vecteurs d’identités, rivales ou complémentaires.

(4) Études de cas

En plus des axes thématiques déjà esquissés, d’autres points pourront être abordés dans les communications, comme par exemple : les caractéristiques des pratiques chorégraphiques dans tel ou tel théâtre, les rapports entre danse, musique et espace scénique, la création du répertoire, la circulation des productions, la dimension institutionnelle des conditions de production du répertoire musical et chorégraphique dans le paysage européen du XIXe siècle, la réception du répertoire et des artistes chorégraphiques sur les différentes scènes européennes.

Modalités d’adhésion et de participation

Les chercheurs et chercheuses issus de différentes disciplines sont invités à partager leurs recherches.

Durée des communications : 20 minutes.

La langue du colloque est l’anglais. Les communications dans une autre langue sont prévues seulement dans des cas exceptionnels et justifiés.

Les propositions de communication (2000/2800 signes), ainsi qu’un court CV de l’auteur (1000 signes), sont à envoyer à info@airdanza.it et à contact@chercheurs-en-danse.com avant le 30 avril 2019. Une réponse sera communiquée avant le 10 juin 2019.

La publication des actes du colloque est prévue sous la forme d’une révision entre pairs (peer review).

Comité scientifique : Roberta Albano (chercheuse indépendante), Irene Brandenburg (Universität Salzburg), Francesca Falcone (ex Accademia Nazionale di Danza, Rome – Présidente d’AIRDanza), Nicole Haitzinger (Universität Salzburg), Bénédicte Jarrasse (aCD, Labex Obvil Université Paris-Sorbonne), Bruno Ligore (École Doctorale SHAL, Université Côte d'Azur, Nice), Paologiovanni Maione (Conservatoire San Pietro a Majella, Naples), Maria Venuso (Instituto Suor Orsola Benincasa, Naples).

Comité d’organisation : Irene Brandenburg, Francesca Falcone, Bruno Ligore, Anna-Lena Mützel.


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