Atelier de la danse n° 9 S’entre-tenir : faire parler les savoirs du corps

date limite: 
dates:  -
lieu:  Cannes

 

Initiés en 2003, Les Ateliers de la danse sont organisés par les enseignantes-chercheures en danse du Centre Transdisciplinaire d’Epistémologie de la Littérature et des Arts Vivants (CTEL-Université Côte d’Azur) en partenariat avec le Festival de danse de Cannes.

Cette manifestation, ouverte à la pluralité des regards et des postures, constitue un lieu d’expérimentation et d’échanges au sein de la recherche en arts vivants. Cette neuvième édition des Ateliers de la danse mettra au cœur de sa réflexion l’entretien conçu comme outil privilégié pour explorer le vécu du sujet et accéder à la processualité des gestes de transmission et de création.

Argumentaire

Le corps des danseurs est le lieu de techniques, de trajectoires et de savoirs singuliers qui sont, paradoxalement, aussi communément méconnus que potentiellement stimulants – pour le champ des études en danse mais, plus encore, pour l’ensemble des disciplines qui font de la corporéité et de ses pouvoirs un objet central de questionnement. Cette discrépance est due à une série de motifs corrélés qui expliquent la relative pauvreté quantitative des discours réflexifs sur la danse, ainsi que la lenteur de leur diffusion : d’une part, confrontés aux questions les plus énigmatiques du corps en mouvement, les danseurs entretiennent bien souvent une relation d’opacité avec les savoirs convoyés par leurs gestes. Déjà désignés par Laban comme « peuple silencieux », ils rencontrent d’autre part une difficulté de mise en mots des expériences qu’ils traversent, se heurtant aux problématiques de formulation propres à la zone d’expérience infra-verbale qu’ils habitent et pour laquelle un langage partagé fait encore défaut. Enfin, les savoirs incarnés restent très souvent enclos dans le périmètre plus ou moins confidentiel des pratiques de transmission, et échappent ce faisant au domaine de partageabilité permis par l’écriture et ses moyens de diffusion. Ce triple motif appelle dès lors une triple question : comment atteindre ces savoirs incorporés qui ‘parlent’ une autre langue ? Comment les traduire ? Comment en garder trace ?

Nous observons aujourd’hui, de façon locale et éparse, un effort pour y répondre : certains danseurs/chorégraphes ont en effet de plus en plus recours à la collaboration de tierces personnes (chercheurs ou connaisseurs) pour les accompagner dans cette opération audacieuse qu’est la formulation de l’expérience vécue. À l’inverse, des chercheurs issus de domaines scientifiques variés invitent des artistes/praticiens de la danse pour tenter d’accéder à la compréhension de l’expérience en première personne. Force est de constater que ces partenariats féconds passent par des pratiques plus ou moins formalisées d’entretiens (entretien ethnographique, entretien d’explicitation, entretien d’auto-confrontation, etc.) qui trouvent dans l’oralité un mode approprié de détection, d’émergence et de construction des savoirs du corps. Autant de méthodes qui pourraient passer inaperçues, tant les formes de l’échange verbal qu’elles mobilisent (conversation, dialogue, discussion, consultation, etc.) semblent se confondre avec les situations les plus ordinaires de l’interaction sociale.

C’est ici pourtant, à même l’effet d’une discrétion méthodologique, que deux éléments doivent retenir notre attention, dans la mesure où la situation interlocutive est investie par les danseurs de façon spéciale.

D’un côté, experts de la communication silencieuse, les danseurs entrent dans la parole de tout leur corps et excellent dans le maniement et la lecture de tout ce qui relève du para-verbal. Cette dimension non langagière peut se lire à travers une partition de silences, une grammaire des postures, un art de l’écoute qui mobilise les ressources de l’empathie kinesthésique, parfois aussi un art de la parole inachevée qui ménage l’espace d’une rencontre, à la manière dont les corps dansants ne produisent que la moitié du geste afin que l’œil spectateur vienne en parachever le mouvement dans l’imaginaire. Ces habiletés posturales spécifient de fait l’interaction verbale qui désire associer des êtres informés par la danse ; elles appellent une poétique du muet, et un effort d’interprétation de la part éloquente du silence qui sous-tend la parole.

De l’autre côté, si le biais de l’oral rencontre les prédispositions dansantes, c’est que s’entretenir – comme danser – est une pratique de la relation. Au plus loin d’une alternance de soliloques, d’un simple jeu d’expositions de connaissances, la situation dialogique est vécue comme un laboratoire de porosités et de co-construction des savoirs, un lieu spécifique d’émergence d’une tierce instance, un ‘nous pensant’ qui n’appartient en propre à personne et détiendrait in fine l’auctorialité de ce qui s’énonce. Elle engage en cela une relation particulière, et particulièrement proche de l’habitus des danseurs aguerris à développer un sens du tact – un toucher de justesse, un tâtonnement co-négocié (dans la relation du corps à corps, dans celle qui relie le danseur au spectateur) compris comme méthode de recherche propice à faire apparaître, dans sa dimension heuristique, un savoir que l’on ne se savait pas. Cette dépossession de soi dans la conduction de la parole appelle une éthique de l’interlocution qui envisage à nouveaux frais la question de la propriété du dire.

L’Atelier de la danse n°9 placera ces différents questionnements au cœur de son propos, espérant ainsi dégager certaines spécificités épistémologiques de l’entretien lorsqu’il se penche sur les savoirs du corps. Il s’agira d’interroger spécifiquement l’intercorporéité qui se joue dans la situation dialogique, et que désigne le trait d’union du titre de la rencontre (s’entre-tenir) : quel rôle joue la présence des corps dans la mise en œuvre d’un entretien ? Quelles postures sont requises ? Quel sort réserver à cet appareillage infra-verbal (techniques relationnelles du tact, éloquence du silence, des postures, des gestes) qui accompagne la parole des danseurs, leur mode d’écoute comme la spécificité de leur mode de pensée ? Nous pourrons également nous demander ce que la voie de l’oralité est à même de toucher, mobiliser et formuler de la danse de l’interviewé. Et comment, pour l’interviewer, passer de la fonction de ‘poser des questions’ à celle d’instaurer une conversation capable de produire un récit partagé, une co-construction de la mémoire et du savoir.

Modalités de soumission des propositions

Les propositions (titre, résumé de 2000 signes) sont à envoyer avant le 10 juin 2019, dans un fichier nommé ‘NOM_atelier9’ aux formats Word et PDF, à l’adresse suivante:

atelierdeladanse2019@gmail.com 

Le temps dévolu à chaque communication sera de 30 minutes. Des propositions de formats différents peuvent être soumises (binôme chercheur-artiste, lecture-démonstration, parole dansée,...). Le temps imparti ne pourra cependant excéder 30 minutes.

La rencontre se déroulera à l’Espace Miramar (Cannes), et les communications se tiendront sur le plateau de la salle de spectacle, lequel est techniquement équipé de deux écrans pour la vidéo-projection (avant-scène et fond de scène). Un espace attenant à cette salle accueillera une exposition sonore et vidéographique d’entretiens en danse ; n’hésitez pas à mentionner les ressources à votre disposition que vous souhaiteriez y voir figurer.

Le comité scientifique, après étude des propositions reçues, communiquera à tous les candidats la décision sur l’acceptation de leur communication avant le 15 juillet 2019.

Comité scientifique

Sarah ANDRIEU, MCF Danse, Université Côte d’Azur, CTEL ; Laurent BARRE, Responsable service Recherche et patrimoine, CN D, Pantin ; Anne CAZEMAJOU, Chargée de recherches (Labex ASLAN, ICAR), Université de Lyon ; Gaia Clotilde CHERNETICH, post-doctorante, Università Ca’ Foscari Venezia ; Federica FRATAGNOLI, MCF Danse, Université Côte d’Azur, CTEL ; Alice GODFROY, MCF Danse, Université Côte d’Azur, CTEL ; Arnaud HALLOY, MCF Anthropologie, Université Côte d’Azur, LAPCOS Marina NORDERA, PR danse, Université Côte d’Azur,
CTEL ; Joelle VELLET, MCF Danse, Université Côte d’Azur, CTEL

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